COP26 : objectifs non atteints
« Un bon compromis, c’est quand les deux parties sont insatisfaites », disait Larry David. Encore une fois, cette année la COP26 n’échappe pas à la malédiction : personne n’est content et le compromis n’est pas satisfaisant.
La COP26, qui s’est déroulée du 1er au 13 novembre 2021 à Glasgow, a fait des progrès importants dans un certain nombre de domaines, mais pas assez compte tenue de l’urgence des enjeux. Les pays développés doivent de toute urgence fournir plus de ressources pour aider les pays vulnérables au climat à s’adapter aux conséquences dangereuses et coûteuses des changements climatiques qu’ils ressentent déjà.
Tour d’horizon des mesures et décryptage sans filtre.
Contexte et attente. La présidence britannique de la COP26 avait fixé des attentes élevées, appelant au sommet à maintenir l’objectif de 1,5°C. Et encore : mettre l’accent sur la facilitation de l’adaptation, la protection des écosystèmes, l’accès aux fonds climat et enfin, renforcer la solidarité et l’aide pour les pays en développement qui souffrent le plus de l’urgence climatique.
Spoiler : le bilan n’est pas (du tout) à la hauteur des attentes.
Le Pacte de Glasgow sur le climat qui a émergé du sommet a été salué par certains pour son engagement à doubler le financement de l’adaptation et pour demander aux pays de présenter des engagements climatiques plus ambitieux l’année prochaine. D’autres ont été déçus que cette COP n’ait une fois de plus échoué à fournir aux nations vulnérables l’argent nécessaire pour reconstruire et répondre aux impacts inévitables du changement climatique.
Procrastination, quand tu nous tiens : pendant la COP, les ministres du monde entier ont « convenu » que les pays devraient revenir l’année prochaine pour soumettre des objectifs de réduction des émissions plus stricts à l’horizon 2030 dans le but de combler l’écart pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.
À la fin de la COP26, 151 pays avaient soumis de nouveaux plans climatiques (appelés Contributions Déterminées au Niveau national, CDN) pour réduire leurs émissions d’ici 2030.
Les Nations Unies calculent que ces plans, dans leur état actuel, mettent le monde sur la bonne voie pour 2,5° C de réchauffement d’ici la fin du siècle.
Concrètement, il y a quoi dans le Pacte de Glasgow ?
Le Glasgow Climate Pact demande aux pays d’envisager d’autres mesures pour réduire les gaz puissants autres que le CO2, comme le méthane par exemple. Et comprend un libellé mettant l’accent sur la nécessité de « réduire progressivement le charbon » et de « retirer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles », où l’ambiguïté sur « l’inefficace » permettra aux gros émetteurs de continuer à polluer la planète.
Notons-le : c’était la première fois que les négociateurs faisaient explicitement référence à l’abandon du charbon et à l’élimination progressive des subventions inefficaces aux combustibles fossiles dans le texte de la décision de la COP.
Mais encore une fois les négociations ont abouti à un résultat qui n’est pas en vraie rupture avec le passé. Par conséquent : pas vraiment satisfaisant.
Lire aussi : climat : « Nous manquons d’un véritable projet de société »
FINANCEMENT CLIMAT : des objectifs, des comités mais quid des chiffres à atteindre ?
En 2009, les pays riches s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 et jusqu’en 2025 pour soutenir les efforts climatiques dans les pays en développement.
Force est de constater que dans ce Pacte climatique de Glasgow, on note « avec un profond regret » que les pays développés n’ont pas atteint cet objectif en 2020 (79,6 milliards de dollars en 2019). Ces derniers auraient repoussé la nouvelle date limite à 2023.
De nouveaux objectifs de financement climatique sans montant à atteindre
Les pays ont décidé de développer un nouvel objectif de financement climatique plus large qui entrera en vigueur après 2025. Problème : ils n’ont pas discuté du montant à atteindre.
Si le montant n’y est pas, la méthode reste pertinente sur le papier : identification des options pour assurer un processus technique inclusif et solide, établissement d’un programme de travail ad hoc pour réunir des experts techniques avec derrière, des ministres pour étoffer les détails.
L’objectif de financement climatique post-2025 devrait être fixé d’ici 2024. On attend.
De bons résultats pour le financement des mesures d’adaptation.
Les pays développés ont également accepté de doubler au moins le financement de l’adaptation d’ici 2025, qui s’élèverait à au moins 40 milliards de dollars.
Notre avis : le financement de l’adaptation ne représente actuellement qu’un quart du total des financements climat, alors que les besoins d’adaptation aux impacts croissants de la crise climatique ne cessent de croître.
Notre point de vigilance porte sur ce programme de travail ad hoc. Sera-t-il juste encore un autre comité qui se réunira pour « parler » avec à la clé, de petits résultats concrets ou prendra-t-il vraiment la mesure des enjeux avec de vraies directives derrière ?
PERTE ET DOMMAGE : Petits crimes contre l’humanité entre pays développés
Durant la COP26, plusieurs pays vulnérables au climat ont plaidé pour que ce rendez-vous international crée une nouvelle facilité de financement dédiée aux pertes et dommages. Sans surprise, cela a été repoussé par des pays développés, comme les États-Unis.
Leur réponse a été de dire vouloir créer un « nouveau dialogue dédié à la discussion d’arrangements possibles pour le financement des pertes et dommages ».
Notre avis : les pays développés tournent la tête et c’est tout simplement une honte. Peu d’exceptions, comme l’Écosse et la Wallonie (Belgique), qui ont promis 2,6 millions et 1,1 million de dollars respectivement pour faire face aux pertes et aux dommages.
Les pertes et dommages seront probablement l’un des problèmes les plus importants menant au sommet COP27 en Égypte l’année prochaine. On pose ça là.
ARTICLE 6 DE L’ACCORD DE PARIS : enfin une protection sociale et environnementale
Ah le fameux Article 6 : l’une des questions les plus controversées de ces dernières années.
Tout d’abord, l’Article 6 de l’Accord de Paris vise à mettre en place et à encadrer des mécanismes de coopérations entre les différents acteurs de la transition écologique. L’objectif principal étant de faciliter l’atteinte des engagements volontaire des pays.
Les négociations ont trouvé un équilibre entre l’ambition climatique, l’intégrité environnementale et sociale.
Parmi les mesures phare :
- Les négociateurs ont convenu d’éviter le double comptage, dans lequel plus d’un pays pourrait réclamer les mêmes réductions d’émissions que celles prises en compte pour leurs propres engagements climatiques.
- Les pays ont également décidé que 5% des recettes devaient être consacrées au financement de l’adaptation dans le cadre des mécanismes traditionnels du marché (Article 6.4).
- Les pays ont autorisé le report des anciens crédits carbone générés depuis 2013 dans le cadre du mécanisme de développement du Protocole de Kyoto afin d’aider à respecter les engagements climatiques de l’Accord de Paris.
Notre avis : Pour nous, ce sont des mesures encourageantes dues à 6 ans de plaidoyer de la société civile. Car il y a 2 ans, il n’y avait aucune référence aux droits de l’homme, donc pas de protection sociale et environnementale.
Lors de la COP27, il sera crucial que les négociateurs mettent en place des directives strictes pour s’assurer que l’un de ces anciens crédits autorisés à être utilisé représente de réelles réductions d’émissions, et pas de greenwashing ! Plusieurs principes des droits humains sont inclus dans la partie opérationnelle de l’article 6, dédié aux mécanismes du marché du carbone.
TRANSPARENCE : des calendriers communs d’actions à soumettre tous les 5 ans, vraiment ?
Les pays ont été encouragés à utiliser des calendriers communs pour leurs engagements nationaux en matière de climat, les Contributions Déterminées au niveau National. Ces derniers doivent être soumis tous les 5 ans, avec un horizon de 10 ans pour les actions climatiques.
Tous les pays ont accepté de soumettre des informations sur leurs émissions et leur soutien financier, technologique et de renforcement des capacités en utilisant un ensemble commun et standardisé de formats et de tableaux : cela rendra les rapports plus transparents, cohérents et comparables.
Notre avis : Il reste illusoire de croire que tous les pays pourront, ou accepteront, de communiquer toutes les données de leurs émissions dans les délaies déterminés. A ce jour, par exemple plusieurs pays ont soumis les CDN avec des retards. Ces délais et le manque d’informations comparable ne permette pas de faire un bilan global et précis de façon régulière.
CONCLUSION : insatisfaction pour les pays vulnérables, engagement limité pour les pays riches
Au cours de l’année à venir, les principaux émetteurs doivent augmenter leurs objectifs de réduction des émissions pour 2030 pour s’aligner sur 1,5 °C.
Pour nous, des approches bien plus solides sont nécessaires pour tenir tous les acteurs responsables des nombreux décisions prises à Glasgow. Une plus grande attention sera notamment nécessaire sur la façon de répondre aux besoins urgents des pays vulnérables au climat. Il est urgent de les aider à faire face aux impacts climatiques et à la transition vers « des économies nettes zéro ».
Commençons par le positif (encore trop rare pour être souligné) :
- La signature de 109 pays pour réduire ses émissions globales de méthane de 30% d’ici 2030 ;
- La signature d’engagement de 141 pays pour stopper la déforestation et la dégradation des terres d’ici 2030 ;
- L’alignement du secteur financier sur le net-zéro d’ici 2050 ;
- L’Abandon des moteurs traditionnels à combustion : gaz, diesel, pétrole ;
- L’accélération de l’élimination progressive du charbon ;
- La fin au financement international des combustibles fossiles ;
- L’engagement de 46 pays à éliminier progressivement le charbon domestique ;
- L’engagement de 29 autres pays à mettre fin au soutien public international direct aux combustibles fossiles en fin 2022 et réorienter cet investissement vers les énergies propres.
Une belle liste qui vient malheureusement s’assombrir avec le poids des non-mesures prises lors de cette COP :
Les engagements nationaux en matière de climat et de financement sont encore loin d’être à la hauteur de ce qui est nécessaire pour relever le défi climatique.
Les plus gros absents sont surement les fameux 100 milliards pour les pays en développement, où les pays développés n’ont pas donné d’explications ni avancé de solutions claires, et l’absence d’accord sur les Pertes et Dommages.
Pour aider les pays les plus impactés pas les changements climatiques, le texte de Glasgow prévoit le lancement d’un nouveau « dialogue » sur le sujet. On le redit, c’est une honte. Les pays ont demandé expressément des actions et non une discussion.
Enfin, dernier coup de massue : la transition de dernière minute de la sortie vers la réduction (de « l’élimination » à la « réduction » de l’utilisation du charbon) a mis un coup d’arrêt à l’ambition attendue par cette COP et laisse des pays comme l’Inde et la Chine libres d’investir pendant encore trop d’années dans les technologies du changement climatique.
L’objectif de 1,5°C faisait partie des textes de négociation selon les recommandations et scénarios du GIEC. Mais ces résultats ne conduisent absolument pas à atteindre l’objectif.
Auteur du décryptage : Saverio Ragazzi, Reponsable programme climat et énergie au Geres
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