L’effondrement est-il pour demain ?
Comment sortir de nos incohérences aériennes sans nous noyer dans des positions extrêmes et parfois trop simplistes ?
Le 17 janvier 2019, un article paru dans la Relève et la Peste expose « [qu’] En 35 ans dans la forêt tropicale de Luqillo à Porto Rico, 80 % des insectes de la canopée se sont éteints, et ce phénomène monte jusqu’à 98 % d’insectes au sol ! ».
Quoi de nouveau là-dedans, me demanderez-vous ? Les activités humaines, qu’elles soient agricoles ou industrielles détruisent la biodiversité à grand renfort de produits transformés, qu’on les appelle phytosanitaires ou produits chimiques industriels, peu importe, on commence à le savoir maintenant… Pourquoi remettre cela sur la table ? Eh bien non ! Ici, pas d’impacts directs des activités humaines. Cette forêt est un espace « préservé » de toutes formes d’exploitation. Alors pourquoi un tel effondrement du vivant ?
Un seul coupable : le réchauffement climatique. Les scientifiques interrogés l’affirment, la seule modification environnementale provient du fait « [qu’] Entre les années 1970 et aujourd’hui, la température moyenne de la forêt pluviale a augmenté de 2,2°C ». Mais alors, la situation est-elle si grave partout ailleurs ? C’est ce que nous allons tenter d’éclaircir ici.
Quel état des lieux à quelques années du premier quart du 21e siècle ?
Commençons par un constat simple, qui nous provient de l’Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM) : les quatre années les plus chaudes jamais enregistrées sont 2015, 2016, 2017 et 2018 et cela, indépendamment des phénomènes type El Ninõ ou La Niña qui, respectivement, accentuent ou ralentissent le réchauffement global. Et ceci a, bien entendu, des conséquences climatiques directes.
Petit résumé (source OMM et Giec):
- Entre 2005-2009, 250 milliards de tonnes de glace ont définitivement fondu en Arctique, indépendamment des épisodes saisonniers.
- L’Antarctique n’est pas en reste puisque sa surface s’est réduite de 14,5 million de km² par rapport à 1981-2010.
- Les océans se sont élevés de 19 cm en moyenne entre 1901-2010 et le phénomène s’est accéléré de 25 à 30% entre 2004-2015 par rapport à la la période 1993-2004.
- En Asie du Sud-Est, les typhons enregistrés au cours des 37 dernières années sont 12 à 15% plus violents.
Pourtant, si ces chiffres sont effrayants, ils ne sont qu’une composante du problème. En fin d’année 2018, le magazine Socialter s’est essayé à donner un état des lieux précis de la situation dans sa globalité :
- Les populations mondiales de vertébrés (oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles) se sont réduites de 58% entre 1970-2012 alors que 75% des espèces d’insectes ont disparu sur le seul territoire de l’Europe à la même période.
- 25% des sols sont fortement dégradés et les rendements de blé ont accusé une chute de 2% à l’échelle mondiale entre 1960-2013.
- Dans le même temps, les prédictions démographiques indiquent que la population humaine atteindra 9,8 milliards d’ici 2050 et potentiellement 11,2 milliards en 2100, or, chaque année, la date où l’humanité a consommé l’ensemble des ressources mises à disposition par la Planète avance (8 mois en 2018)
- Les États du G20 sont endettés à hauteur de 250% du PIB mondial et l’éclatement de la bulle des prêts étudiants américains (1 521 milliards de dollars d’endettement) pourrait provoquer une crise économique sans précédent.
- Les énergies fossiles représentent toujours 85,2% du mix énergétique mondial et bénéficient, chaque année, de plus de 5000 milliards de dollars de subventions directes et indirectes.
Quand on fait le bilan de tout cela, difficile de rester optimiste n’est-ce pas ?
Alors que fait-on ? On s’enferme dans un bunker en attendant la fin du monde en lisant et relisant l’intégral de Marc Lévy ? Ou bien s’astreint-on à anticiper ces changements à venir pour mieux (se) reconstruire ?
Petite initiation à la Collapsologie
D’après le Rapport spécial du GIEC sur l’atteinte d’un réchauffement à 1,5°C, la prochaine décennie sera cruciale pour l’humanité et pourtant la réalité est simple : un demi-degré en plus, c’est une montée des océans de 10 cm supplémentaires. « Elémentaire mon cher Watson ! »
Ceci fait écho aux travaux du scientifique Graham Turner, qui a mis à jour le modèle développé par Meadows (1972) avec les données actualisées de 1972 à 2012. Ils montrent que les tendances suivies par l’humanité sont celles du pire scénario possible prévu élaboré à l’époque. L’effondrement est donc programmé et, si rien ne change de manière radicale il est à nos portes dans 10 ans !
Ce schéma met en relation les différentes composantes du modèle de développement suivi par la majorité de la population.
Les valeurs présentées sont normalisées à travers un indice compris entre 0 et 1 afin de faciliter leur comparabilité.
Il permet de visualiser que la surexploitation des ressources, au service de la production alimentaire ou de biens et services contribue à l’accroissement de la pollution et soutient la croissance démographique. Jusqu’à un certain point…
Modèle Meadows mis à jour par Graham Turner
Cet état de fait a contribué à l’émergence de la Collapsologie. Leurs représentants portent des noms de plus en plus connus du grand public : Pablo Servigne auteur de plusieurs livres sur le sujet, Yves Cochet ancien ministre de l’environnement, ou encore, Vincent Mignerot fondateur d’Adrastia. Tous sont convaincus que l’effondrement ne peut être vu comme une fin inéluctable, mais bien plutôt comme une porte ouverte sur un changement profond de paradigme sociétal.
Il ne s’agit donc pas de sombrer dans l’extrême et de se réfugier sous terre.
Il s’agit d’anticiper, de comprendre et surtout d’agir. Agir dans ses actions au quotidien d’une part, et faire pression sur nos représentants pour infléchir la tendance, « faire mentir » les chiffres et construire le monde de demain. Il n’est plus temps de fermer les yeux, de passer la main à la génération suivante, il est temps d’agir !
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Point de vue de Camille André, chargé de mission climat et développement au Geres
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