Transition énergétique : « en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les exploitant·e·s ont leur rôle à jouer »
Transition environnementale et énergétique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, engagement des agriculteur·rice·s face aux changements climatiques et exemples d’actions réussies : tour d’horizon avec Amélie Himpens, experte au Geres. Interview.
Amélie Himpens
« Je travaille au Geres depuis 10 ans. Aujourd’hui, je suis chargée de projets biomasse énergie agriculture territoire – climat. Je développe des projets sur la transition environnementale et énergétique des territoires en lien avec l’agriculture. »
Temps de lecture : 10 minutes
La transition énergétique en milieu agricole, c’est quoi exactement ? Qu’est-ce que ça englobe ?
A.H — Ici, c’est amener simplement les systèmes agricoles à être moins énergivores et / ou produire des énergies renouvelables afin d’être moins vulnérables aux énergies fossiles. A l’échelle d’un territoire, on parle de résilience alimentaire.
De quelles énergies renouvelables parle-t-on par exemple au Geres ?
A.H — En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, où j’interviens, il s’agit principalement d’accompagner la filière de méthanisation (processus naturel biologique de dégradation de la matière organique par des micro-organismes en l’absence d’oxygène) et le développement de l’utilisation de l’énergie solaire avec la mise en place de serres bioclimatiques (ces serres stockent l’énergie solaire durant la journée et la restitue la nuit ou en période plus nuageuse).
Lire aussi : sous le soleil provençal, des serres bioclimatiques pour une exploitation agricole autonome et écoresponsable
Dans ton métier au Geres, comment accompagnes-tu les agriculteurs et agricultrices au quotidien ?
A.H — Dans le cadre des disséminations de serres bioclimatiques en Provence-Alpes-Côte d’Azur notamment, j’accompagne les agriculteurs et agricultrices pilotes dans la définition de leur projets.
Concrètement, je réalise avec eux un pré-diagnostic (questionnaire de candidature, analyse et entretien oral avec grille d’évaluation, taux d’ensoleillement et besoins de l’exploitant·e) afin de valider ou pas leur ambition et enclencher l’étape de conception de la serre bioclimatique.
« L’un des défis les plus importants du secteur agricole est la réduction des impacts environnementaux tout en maintenant et développant l’activité économique »
Pour les autres projets, je suis en lien direct avec les organismes agricoles (les chambres d’agriculture, Bio de Provence, Maison Régionale de l’élevage mais aussi la filière cheval Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Enseignement Agricole) du territoire qui eux, diffusent les bonnes pratiques auprès des agriculteurs.rices et/ou futur·e·s agriculteur·rice·s.
Selon toi, quel est le rôle des agriculteurs et agricultrices dans cette transition ? Quel rôle ont-ils à jouer pour la société de demain ?
A.H — Comme les autres secteurs agricoles, l’agriculture a son rôle à jouer afin de diminuer son empreinte écologique !
L’un des défis les plus importants du secteur agricole est la réduction des impacts environnementaux tout en maintenant et développant l’activité économique. Autrement dit, rester compétitif tout en réduisant ses impacts et finalement sa dépendance aux intrants.
Et le challenge est quotidien !
En région Provence-Alpes Côte d’Azur, pourquoi devons-nous miser particulièrement sur la transition énergétique dans le secteur agricole ? Quelles sont les particularités de la région notamment ?
A.H — En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les surfaces agricoles représentent environ 20% du territoire régional.
Or, l’agriculture en Provence-Alpes-Côte d’Azur consomme plus d’énergie à l’hectare que dans d’autres régions, soulignant une forte dépendance des exploitations agricoles aux énergies fossiles, en lien avec la spécificité des exploitations (chauffage des serres pour la production horticole et de tomates en hiver, besoin de froid lors de la vinification du rosé, conservation en chambres froides…).
« La région est trop dépendante des énergies fossiles, ce qui peut compromettre l’autonomie alimentaire. »
L’agriculture en Provence-Alpes-Côte d’Azur est atypique. Diversifiée, elle marque nettement ses spécificités par la présence de cultures permanentes (viticultures, arboricultures, cultures sous abris…), de prairies naturelles et une moindre représentation des grandes cultures.
« Depuis près de 10 ans, la région est en tête des régions françaises pour l’agriculture biologique avec 28,8 % des surfaces agricoles régionales, contre 8,5% au niveau national. »
Au Geres, nous accompagnons la méthanisation, peux-tu nous en parler un peu plus et nous expliquer ses vertus ?
A.H — Comme je le disais au-dessus, la méthanisation est un processus naturel biologique de dégradation de la matière organique par des micro-organismes en l’absence d’oxygène. On parle d’anaérobie. Elle se produit d’ailleurs naturellement dans certains milieux tels que les marais ou les rizières.
« La méthanisation est une forme d’énergie renouvelable ! »
En la contrôlant et en l’optimisant, les unités de méthanisation reproduisent cette réaction naturelle au sein de cuves fermées sans contact avec l’air extérieur, appelées digesteurs. Ces mêmes unités de méthanisation sont alors alimentées par des matières organiques résiduelles, qui seront dégradés par des bactéries.
Pourquoi la méthanisation est une forme d’énergie renouvelable ?
A.H — Parce que le biogaz produit par la méthanisation est issus de la dégradation de la matière organique. Parmi les déchets organiques utilisés : ceux des ménages, des collectivités, restaurateurs, des industries agro-alimentaires et les résidus agricoles. En fait, la méthanisation contribue complètement à l’économie circulaire.
Lire aussi : le Geres publie un guide complet sur la méthanisation en Provence-Alpes-Côte d’Azur
C’est une vraie opportunité pour accélérer la transition énergétique en milieu agricole !
A l’échelle locale, ce processus naturel est une véritable solution pour à la fois traiter et réduire le volume de déchets organiques, produire une énergie locale et renouvelable et surtout, créer une dynamique économique territoriale s’inscrivant dans une logique d’économie circulaire.
Et en comparaison à l’échelle national, comment se situe le développement de la filière méthanisation en région Provence-Alpes Côte d’Azur ?
A.H — Malheureusement, par rapport au niveau national, nous avons encore peu d’unités de méthanisation. Cela s’explique notamment par le peu de projets agricoles en région. Notamment car il y a moins d’élevage et les élevages sont extensifs. Par ailleurs, le foncier est relativement cher et peu accessible à ce type de projet, ce qui limite le développement.
Au Geres, nous faisons partie du consortium Métha’Synergie, un collectif d’acteurs institutionnels et professionnels de la filière pour promouvoir, accompagner et dynamiser la méthanisation. Pour nous, la méthanisation offre une des réponses concrètes à la raréfaction des ressources naturelles, l’importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre, les besoins de traitements.
Lire aussi : renforcement de la filière méthanisation en région Provence-Alpes-Côte d’Azur
Il faut savoir qu’à horizon 2025, la loi transition énergétique imposera une généralisation du tri à la source, déchet organique pour tou·te·s les producteur·rice·s de déchets (ménages compris).
Tu travailles avec les exploitant·e·s, quel est leur ressenti et leur engagement sur cette transition énergétique agricole ?
A.H — Face aux enjeux climatiques de plus en plus palpables, je constate que les exploitant·e·s sont de plus en plus engagé·e·s et nombreux·ses dans une démarche responsable. Ce qui est positif… dans le négatif.
Ils et elles sont à la recherche de solutions durables pour viabiliser leur activité, en visant notamment une résilience face aux changements climatiques, à l’épuisement des ressources et l’effondrement de la biodiversité….
Est-ce qu’il y a des exemples de réussite de projet menés avec le Geres dont tu voudrais parler ?
A.H — Oui, j’aimerais faire un focus sur nos serres bioclimatiques ! Depuis 1986, il faut savoir que le Geres développe ces serres pour la production agricole, en Asie centrale. Et nous sommes très heureux·ses d’avoir réussi à faire voyager le concept jusqu’en région Provence-Alpes Côte d’Azur.
En 2015, le Geres s’est associé à deux partenaires techniques complémentaires, le bureau d’études Agrithermic et le Groupe de Recherche en Agriculture Biologique (GRAB), pour mener deux premières phases d’implantation et de suivi de serres bioclimatiques adaptées aux conditions climatiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Et ça a pris !
Aujourd’hui, en 2021, nous avons 6 modèles de serres bioclimatiques éprouvés. Elles sont disséminées entre Aubagne (13), Marseille (13), Villelaure (84), Avignon (84), Mane (04), Eygliers (05) et Daluis (06), Carpentras et bientôt Arles.
Lire aussi : La serre bioclimatique urbaine, jeune pousse encouragée par le Geres à Marseille
Toutes ont des résultats des suivis climatiques et agronomiques très encourageants. Et les agriculteurs·trices sont très satisfaits des performances de ce nouvel outil de production.
A ce jour, aucune température négative n’a été enregistrée, contrairement aux serres classiques témoins. De plus, en été, certaines serres bioclimatiques sont plus tempérées que les serres classiques. Quant aux performances agronomiques et financières, les agriculteur·rices observent une nette amélioration de la qualité de leurs productions, et certains chiffres d’affaires ont été doublés de janvier à avril.
Enfin nous sommes contents également de voir que les exploitant·e·s gagnent en confort de travail et de vie (diminution du stress, l’agriculteur·trice n’a plus à se programmer des alarmes la nuit afin de gérer le gel dans la serre).
Et toi, es-tu optimiste quant au développement de cette transition énergétique dans la région Sud ?
A.H — Aujourd’hui, si je regarde en arrière, il y a bien sûr une évolution positive ces 10 dernières années. On reconnait enfin les changements climatiques et la nécessité d’une transition énergétique et environnementale.
Maintenant, les agriculteurs et agricultrices en sont conscients et, surtout, ils savent malheureusement qu’ils seront les premiers impactés.
Donc, plus que de l’optimisme, je dirais tout simplement qu’il faut agir et vite : de la conscience à l’action !
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