Création d’emplois et préservation des forêts, décryptage des enjeux au Bénin
Au Bénin, le territoire des Collines fait face à une forte dégradation des espaces forestiers. Actuellement, un projet est en cours pour développer des filières économiques locales sur la biomasse énergie pour réduire la pression forestière et améliorer les moyens de subsistance des communautés locales. Contexte, enjeux et impacts.
Interview croisée avec
Deux protagonistes engagés dans le projet. Clémentine Laratte, Responsable de programme territoires, climat et énergie et Fulgence Akaffou, Responsable biomasse énergie pour le Geres en Afrique de l’Ouest
Question 1/ Aujourd’hui, dans le Territoire des Collines, territoire ciblé par le projet, le bassin forestier approvisionne largement les zones urbaines en charbon de bois. Pouvez-vous nous expliquer les impacts pour le territoire de cette surexploitation ?
F.A — Traditionnellement au Bénin, le bois et le charbon de bois ont toujours été utilisés par les ménages comme principaux combustibles pour la production d’énergie.
Il faut savoir que le département des Collines est un territoire à prédominance rurale situé au centre du Bénin, en zone climatique tropicale. Son bassin forestier représente une ressource importante pour le territoire !
On estime que 2 668 tonnes de charbon de bois seraient produites par an dans les Collines, encore en partie incontrôlées. Face à une population croissante à la recherche de moyens de subsistance, les massifs forestiers subissent une forte pression.
Ici, plus de 90% des ménages utilisent le bois et le charbon pour la cuisson. Les pratiques actuelles contribuent à augmenter la pression sur les ressources forestières !
Chaque année, des hectares de forêts sont convertis en terres agricoles ou aires de pâturages, ou fortement dégradés par la surexploitation pour satisfaire les besoins en bois de construction, bois d’œuvre et en énergie domestique notamment des grandes villes.
Malgré la recherche d’alternatives, les combustibles traditionnels ne pourront, pour de multiples raisons économiques, sociales ou culturelles être concurrencés par d’autres types de combustibles et demeureront longtemps des sources d’énergie majeures pour la plupart des ménages béninois.
On se rend compte aujourd’hui que les pratiques traditionnelles de carbonisation (tas de bois disposé en vrac et recouvert de feuilles et sable, qu’on appelle généralement meule sans cheminée), peu contrôlées et peu efficientes, contribuent à dégrader les espaces forestiers sans créer d’emplois de qualité sur le territoire.
Question 2 : Quels sont les enjeux concrètement du projet pour pallier ces dégradations ? Comment ça marche ?
C.L — Dans un premier temps, notre enjeu clé à court terme consiste à améliorer les techniques et pratiques de production de charbon et à développer des filières de production formelles et durables, c’est-à-dire en cohérence avec des stratégies et politiques volontaristes en faveur de la protection et de la gestion raisonnée des ressources forestières.
Autrement dit : le projet cherche à la fois à répondre aux besoins énergétiques des populations et à préserver et reconstituer le couvert forestier sur le long terme.
Comment ? En soutenant les initiatives de reforestation, de régénération des sols et de valorisation de produits forestiers ligneux et non ligneux.
Question 3 : Qui sont les actrices et acteurs locaux impliqués dans le pilotage et la mise en œuvre de ce projet au Bénin ?
C.L — Le projet s’appuie sur un partenariat avec deux collectivités territoriales : le Groupement Intercommunal des Collines (GIC), qui coordonne l’action des 6 communes du département, et la Communauté forestière du Moyen Ouemé (CoFoRMo), qui soutient les communes pour organiser la filière bois-énergie et mettent en place un mécanisme de contrôle conforme à la législation nationale.
Ces intercommunalités mettent en œuvre des actions dans différents secteurs du développement local : services de base, agriculture, élevage, développement économique…
Question 4 : Plus largement, quel est le rôle de ces intercommunalités dans le secteur de la biomasse énergie au sein du territoire des Collines ? Pouvez-vous nous parler de cette alliance complémentaire avec le Geres dans ce projet ?
F.A — Ces intercommunalités, à savoir le Groupement Intercommunal des Collines et la Communauté forestière du Moyen Ouémé, ont un rôle tangible et indispensable. Ils œuvrent sur beaucoup de fronts comme :
- Le développement de plans de gestion des forêts,
- La réalisation d’inventaires d’exploitation,
- L’encadrement des exploitants,
- L’installation de marchés ruraux de bois,
- Le soutien aux initiatives d’agroforesterie et de reboisement,
- L’appui aux filières de production de foyers améliorés,
- La réalisation d’étude sur les biocombustibles alternatifs,
- Et la mise en place de mécanisme de gestion des forêts associant les propriétaires terrains, les exploitants forestiers, les communes, les charbonniers…
C.L — Pour répondre à la question, notre projet s’inscrit en cohérence avec ces initiatives. Il fait le lien, il renforce la capacité de ces acteurs à formuler et mettre en œuvre une stratégie sur la biomasse – énergie répondant aux enjeux de protection de la biodiversité et de lutte contre les changements climatiques, en associant l’ensemble des acteurs concernés (publics, privés, associatifs) sur le territoire.
Question 5 : Parmi les bénéficiaires du projet, on retrouve les femmes transformatrices de produits agroalimentaires et les restauratrices. A quels risques sont-elles actuellement exposées et quelles solutions proposez-vous pour les réduire ?
F.A — La dégradation de la ressource et la raréfaction entraine des contraintes accrues pour l’approvisionnement, notamment les professionnel·le·s des filières de transformation agroalimentaire.
Derrière, ce sont les femmes et les jeunes filles qui malheureusement sont les plus vulnérables : les femmes et les hommes n’ont pas un accès égal aux ressources et c’est aux femmes que revient généralement la tâche d’aller chercher le combustible pour la cuisson.
Les femmes sont, avec les enfants, les premières exposées à la pollution de l’air intérieur du fait d’une mauvaise efficacité de cuisson.
Grâce à ce projet, les femmes travaillant dans la transformation agroalimentaire et la restauration sont et seront formées pour produire des foyers de cuisson adaptés à leur activité et énergétiquement plus efficaces que leurs procédés traditionnels.
Quand on échange, on voit que cela suscite un engouement de la part des bénéficiaires et une implication forte dans les activités de sensibilisation et de formation.
A ce jour, déjà 30 groupements (360 membres) ont constaté la réduction des charges énergétiques avec la baisse des dépenses en combustibles. C’est encourageant et motivant pour nos équipes !
Question 6 : parmi les résultats attendus, vous prévoyez notamment la création d’emplois locaux qualifiés et pérennes liés à la transition énergétique sur le territoire des collines. Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?
F.A — Le développement des filières durables de production et de distribution de foyers améliorés et de valorisation des produits forestiers « non ligneux » (miel, le karité, le cajou etc.), doit permettre en effet, à terme, de créer des emplois pérennes pour les communautés locales. C’est notre objectif.
Pour y parvenir, nous accompagnons ces acteurs économiques, qui exercent aujourd’hui dans l’informel, à se structurer et formaliser leur activité.
Par exemple, en ce moment, nous appuyons 2 artisans producteurs professionnels de foyers améliorés, un réseau dynamique de 5 femmes revendeuses de foyers, 270 exploitants de bois et charbonniers et 2 entreprises locales qui exploitent et transforment des produits forestiers non ligneux.
Question 7 : Que peut-on faire à notre échelle pour vous aider à réaliser vos objectifs dance projet ? Comment peut-on vous soutenir ?
F.A — Aujourd’hui, au Geres, pour atteindre ces objectifs ambitieux, nous sommes à la recherche de fonds complémentaires par le biais de dons ou de partenariats financiers.
C.L — Notre partenaire le GIC-Collines cherche également à développer des échanges et relations de coopération avec des collectivités territoriales françaises.
Si le projet vous intéresse et que vous souhaitez le soutenir, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations !
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