Laurence Tommasino : « en 2023, notre défi sera de redoubler d’effort pour adapter nos modalités d’intervention selon les contextes géopolitiques »
En ce début d’année, l’heure est au bilan. Laurence Tommasino, déléguée générale du Geres, nous confie les temps forts du Geres en 2022, ses fiertés, les perspectives mais aussi l’état des lieux géopolitique de certains de nos pays d’intervention en proie à des crises politiques. Interview.
Après deux années marquées par la pandémie, en 2022, le Geres reprend son souffle avec un retour (presque) à la normale des activités sur le terrain. Pourriez-vous nous en dire plus ?
L.T – Oui avec 2022, la fin des confinements et la possibilité pour toustes de se déplacer à nouveau (avec modération !), c’est le retour de plus de relationnel entre collègues et avec nos partenaires.
Davantage d’occasions donc de prendre la mesure des réalités de terrain, de mesurer les effets de nos actions, de penser les actions futures et de partager des expériences et des pratiques mais aussi des moments de convivialité.
Quels temps forts pour le Geres en 2022 ?
L.T – Ils sont nombreux mais deux d’entre eux retiennent particulièrement mon attention car ils montrent comment l’engagement sur un pas de temps de long et l’implication de l’ensemble acteurs concernés sont gages de succès et de pérennisation des services.
La création de l’Association IRA2E (Inter-Réseau Agriculture Energie Environnement) qui intervient plus de 15 ans après l’initiative initiale portée par le Geres en est une très bonne illustration. Aujourd’hui l’Association formalisée regroupe une grande diversité de partenaires du monde agricole en en Provence-Alpes Côte d’Azur, chacun apportant ses compétences.
Dans le même esprit, la formalisation et les débuts de l’entreprise sociale malienne GBA (Green Biz Africa), dont la vocation est de gérer les Zones d’Activités Électrifiées, est le résultat d’un engagement de long terme des équipes au Mali.
La pertinence de l’action, la qualité de sa mise en œuvre, intégrant à la fois ingénierie sociale, dimension économique et technique, ont convaincu : deux investisseurs maliens reconnus ont investi dans le capital de GBA.
Dans les deux cas, c’est pour moi une immense satisfaction car savoir opérer ces passages de relais entre le Geres et des acteur-trice-s qui, demain, porteront les services est le meilleur indicateur de réussite. Cela demande patience, humilité, inventivité, mais au bout du chemin le sentiment pour une organisation comme le Geres d’avoir pleinement rempli son rôle.
Parmi ces temps forts, avez-vous une ou des fiertés à nous partager ? Et un axe d’amélioration ?
L.T – D’autres sources de fierté bien sûr et encore une fois la liste n’est pas exhaustive :
- Fière de voir des bénévoles nous rejoindre et porter avec nous des actions de mobilisation citoyenne !
- Fière des témoignages de reconnaissance et des félicitations de nos partenaires après la journée du 24 novembre. Cette journée de mobilisation a mis en lumière l’ensemble des activités entreprises par le Geres en France et à l’international pour lutter contre la précarité énergétique dans l’habitat.
- Fière aussi que le Geres réfléchisse avec d’autres ONG et associations aux trajectoires de réduction des émissions carbonées de nos organisations et à la climato-compatibilité des projets que nous développons.
Et plus que d’une amélioration, je dirais que le challenge pour demain tient en notre capacité d’adaptation aux changements.
Sur le terrain, nous faisons face à de plus en plus de situations géopolitiques et sécuritaires complexes qui exigent de réfléchir à des modes d’intervention adaptés. L’aide internationale évolue, elle se concentre, avec des projets de plus grandes ampleurs, et s’oriente plus directement vers les acteurs locaux.
Le secteur privé (entreprises, fonds d’investissement, fondations, …) est de plus en plus présent et porte un regard sur le développement qui diffère et complète celui des donateurs institutionnels.
A tout cela, le Geres doit s’adapter, en lien avec les acteurs locaux et en nouant des alliances stratégiques.
Parmi les grands changements 2022, le Geres a fait émerger un groupe bénévole, démarche nouvelle pour le Geres. Pourquoi ce virage ? Quelles sont les prochaines étapes ?
L.T – Un premier groupe de bénévoles s’est en effet constitué dans notre géographie proche. Cela est le résultat d’une envie de leur part de s’engager pour la cause de la Solidarité Climatique et d’une volonté du Geres !
Pour le Geres, il s’agit d’élargir sa base associative et de pouvoir s’appuyer sur ces bénévoles pour la promotion de la Solidarité climatique. En 2023, en lien avec le responsable mobilisation, ils et elles pourront animer de plus en plus d’actions de mobilisation citoyenne.
Merci à Dalila, Pierre, Coralie, Magali, Camille, Elhaam et Célia, toutes celles et ceux déjà à nos côtés. Leur soutien est précieux et ils insufflent un air nouveau au Geres.
Et c’est avec plaisir que nous imaginons accueillir bientôt de nouveaux bénévoles, constituer d’autres groupes et mettre chacun.e en capacité d’agir pour la Solidarité Climatique.
Quels sont vos ambitions en 2023 ?
L.T – Pour 2023 nous avons plusieurs ambitions :
- Engager une réflexion stratégique interrogeant nos modalités d’intervention. Quelle efficacité, à quelles conditions, avec quelle gestion des risques… en fonction des contextes et selon nos géographies.
- Adapter nos stratégies d’intervention et initier des activités dans de nouvelles géographies
- Faire évoluer la gouvernance du Geres en recherchant un nombre plus grand d’adhérents et en réfléchissant à la création de conseils locaux d’orientation qui pourraient réfléchir, dans les différents pays d’intervention, avec les équipes aux actions en cours ou à développer.
Aujourd’hui, le contexte politique dans certains de nos pays d’intervention est difficile et touche localement les collaborateur-trices impliqué-es.
Quel est l’état des lieux et les perspectives ?
L.T – Je voudrais tout d’abord saluer encore l’engagement des équipes dans trois pays particulièrement touchés par les crises depuis 2021. Bravo et merci donc à nos collègues Afghan.es, Malien.nes et Birman.es.
Car rien n’est facile quand il s’agir de travailler dans ces conditions : difficile de faire autant de visites de terrain que nécessaire, nécessité de suivre des règles de sécurité strictes, obligations administratives complexes et chronophages, …
Les perspectives sont assez différentes selon les pays. Au Mali, malgré le caractère déstabilisant de l’arrêt brutal d’une convention avec l’AFD, nous poursuivons le passage à l’échelle du nombre des ZAE sur un financement suédois et en partenariat avec l’entreprise GBA.
Au Myanmar (Birmanie), nous accompagnons plusieurs initiatives que nous projetons de poursuivre si l’Union Européenne valide la proposition, portée avec le Gret, d’un programme d’envergure que nous souhaitons mettre en œuvre à partir de 2024.
Enfin, concernant l’Afghanistan, nous avons décidé il y quelques jours de fermer notre bureau dans le pays, estimant que poursuivre alors que les femmes ne sont plus autorisées à travailler pour les ONG internationales comme locales serait aller à l’encontre de nos valeurs et de notre charte, nous rendant complices d’une décision discriminatoire inqualifiable.
C’est avec une grande tristesse que le Geres a dû se résoudre à cette décision difficile puisqu’elle signifie s’éloigner du pays et des Afghans et Afghanes alors que leur situation est des plus terrible. La longue expérience et les savoir-faire du Geres en Afghanistan restent heureusement dans le pays puisque nous avons entamé, il y a plusieurs années déjà, un transfert de compétences à notre partenaire local. Et c’est d’ailleurs en gardant le lien avec ce partenaire que nous pourrions à nouveau intervenir dans le pays quand les conditions seront réunies à nouveau.
Êtes-vous optimiste face aux défis à relever ?
L.T – C’est ensemble, salarié.es, membres et conseil d’administration et en s’inscrivant dans les collectifs tels que le Groupe Initiatives, Coordination SUD ou le Cler, que nous surmonterons les difficultés et que nous ferons avancer notre cause de la Solidarité Climatique.
Comme évoqué plus haut, le défi sera d’adapter notre organisation dans son fonctionnement et ses modalités d’intervention selon les contextes.
La campagne de dons s’est achevée le 31 décembre dernier, quel est votre ressenti sur la générosité du grand public au regard du contexte de crise ?
L.T – Un grand merci avant tout à tous nos donateurs et donatrices ! Au-delà de leur importance financière, ces dons sont des signes de reconnaissance très forts pour l’ensemble de l’équipe. Votre confiance est motivante, stimulante car elle veut dire que nous allons dans la bonne direction.
Toutefois le montant des dons est en baisse cette année par rapport à l’an dernier. C’est bien sûr une déception et financièrement un manque. Nous le comprenons car l’inflation affecte aussi la capacité de donner. Gageons que la situation sera meilleure à fin 2023, que la générosité ne sera pas empêchée et qu’elle gardera son caractère universel, pour accompagner des personnes en France et à l’international.
quels sont vos vœux pour 2023 ?
L.T – Pour le Geres, que nous trouvions, ensemble, l’énergie de faire face aux contraintes que nous impose l’arrêt des financements français au Mali.
Et plus largement, je réédite mes vœux de Solidarité, de prospérité et de sobriété partagées car il me semble que tout le monde ne l’a pas encore entendu ou intégré puisque certains continuent de ne pas trouver le chemin !
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